Tes yeux miels sont sources de pluie. Des perles salées roulent sur l’ombre de tes joues. Tes larmes musèlent ta douleur et finissent par faire taire tes sanglots. Tu es triste. Tu es seule. Tu as mal. Mal au cœur. T’as beau avoir treize ans, pleins d’amis, ton meilleur ami reste la solitude. Tu n’y peux rien. Petite, on t’avait pourtant prédis un bel avenir, plein de bonheur. Heureux. Mais c’était avant. Avant que Loë naisse. Avant que tes parents n’oublient ton existence. Avant qu’il n’y en ait plus que pour elle. Elle et sa maladie. Elle et son autisme. Toi, tu ne comprends pas en quoi son trouble consiste. Tu la trouves normale. Loë, elle est belle, elle est gentille, elle est parfaite. Tu l'admires. Mais les autres n'ont pas l'air d'être du même avis. Ils se moquent d'elle. Ça te fait mal, encore plus mal que l'amour envolé que tes parents avaient pour toi. L'amour disparu. T'aimerais pouvoir la protéger. La protéger du monde entier, de toutes les méchancetés. T'aimerais qu'elle ne souffre jamais. Tu l'aimes, Loë. Et au final tu te dis qu'elle mérite tout cet amour que tes parents ont pour elle. Que c'est normal qu'ils t'ont oublié, qu'ils se fiche désormais de toi. Tu te dis que t'es bien égoïste de pleurer tout les soirs dans ton lit alors que ta petite soeur ne se plaint jamais. Tu te dis qu'il faut que t'arrête de penser à toi, et que désormais tu dois seulement te soucier des autres.


Los Angeles, quinze août deux-mille-six,

Comment as-tu pu croire qu'il était sincère ? Comment as-tu pu croire qu'il t'aimait vraiment ? Comment as-tu pu croire que tu pouvais tout lui confier, tout lui dire ? Tu es une belle idiote, Faustine. Tu t'es faite avoir. T'es tombée amoureuse d'un connard, et t'en subis les conséquences maintenant. Tu pleures, encore une fois. Ton coeur est déchiqueté. Ton corps entier te fait atrocement mal. Tu ne peux pas y croire. Tu ne veux pas y croire. Il t'a trompé avec ta meilleure amie, pour s'empresser de te l’annoncer fièrement, le torse bombé. Toi, t'y avais cru. T'y avais cru, à ses paroles, à ses déclarations enflammées, aux confidences, aux promesses. Il s'est moqué de toi, il s'est servi de toi. Ta haine pour lui égale ta tristesse. Les larmes coulent toutes seules. Tu es condamnée à pleurer, jusqu'à la fin de ta vie. Pourquoi t'es-tu attachée à lui ? Pourquoi l'as-tu cru ? Tu regrettes tellement. Tu souffres, tu as mal. Ça te ronge de l'intérieur, te dévore, cette tristesse. Il faut que tu sois forte, Faustine. Il faut que tu surmonte cette épreuve, tu survivras. On survit toujours. On se relève, on continue. Toujours plus fort. Plus invincible. Tu n'as plus le droit de faire confiance aux Hommes, Faustine. Tu n'as plus le droit d'aimer quelqu'un comme tu l'as aimé. C'est fini. Tu es une autre personne. Tu es Faustine l'invulnérable.