Je n’ai pas à me plaindre de mon enfance. Au contraire même. Je n’ai jamais connu la solitude, puisque ma sœur jumelle, Blue-Lennon a toujours été à mes côtés. Il parait que quand on a une sœur jumelle, on a un lien particulier avec elle. Et c’est vrai. En tout cas, pour BL et moi, c’était vrai. Pourtant, nous étions aussi différentes que le jour et la nuit. Elle était timide et réservée, et j’étais très sociable et extravertis. C’est peut-être notre différence qui faisait de nous les meilleures amies du monde. Nous vivions dans une belle maison à Liverpool, nous avions une bonne éducation, et des parents qui semblaient s’aimer. Ma mère était professeur de piano, et mon père lui, possédait un conservatoire où il enseignait le chant. Dans ma famille, tout le monde était très porté sur la musique, et ma sœur aussi : elle adorait chanter, au plus grand bonheur de mes parents. Nous avions baigné dans la musique depuis toute petite : notre père nous amenais parfois au conservatoire et nous nous amusions BL et moi à chanter à tue-tête dans les couloirs ou dans de grandes salles de concert vides. Sauf que moi, je chantais comme une casserole. Et quand je dis casserole, je ne rigole vraiment pas. Jouer d’un instrument ne m’intéressait pas non plus, contrairement à BL, encore une fois qui adorait jouer du piano. Moi…je n’étais pas trop musique. Enfin, si, j’adorais écouter ma mère jouer et mon père chanter avec ma sœur en chœur avec le piano de ma mère. Moi mon truc c’était plus…le dessin. Et ça, mes parents l’ont très vites compris et à mon huitième anniversaire, ils m’offrirent un grand chevalet sur lequel je pouvais poser des toiles afin de faire mes premiers tableaux. Je dû m’entrainer plusieurs fois avant d’arriver à faire quelque chose de potable : la peinture est différente du dessin, et les nuances, les jeux de couleurs ne se manipulent pas de la même façon. Mais après des heures d’entraînements, j’arrivais à peindre de mieux en mieux, et d’après ma famille, j’avais beaucoup de talents. Je m’amusais à trainer dans les musées l’été et pendant les vacances, essayant de reproduire les tableaux avec plusieurs coups de crayon. La peinture, le dessin, l’art…c’était vraiment ce qui me passionnait le plus.

Même si BL n’aimait pas autant sortir que moi, j’essayais toujours de la trainer dans les soirées où j’allais. Il était rare que nous sortions séparément, et parfois elle suivait le petit groupe d’amis que je m’étais fait à Liverpool. Il en était de même lorsque nous partions en vacances : nous avions l’habitude d’aller dans un camping à Darwin. Vers quatorze ans, j’avais une vie plutôt épanouie et j’essayais de combiner correctement mes sorties, mes cours et le dessin. J’étais une plutôt bonne élève même. Mais tout bascula un matin, alors que Blue Lennon et moi allions en cours. Nous faisions toujours la route ensemble, et nous nous attendions toujours le soir pour rentrer à la maison. Scotchée à mon téléphone portable, j’étais arrêtée sur le trottoir, lisant un texto qu’un garçon de ma classe plutôt mignon m’avait envoyé. « Maddie le feu est vert, vite ! », me criait ma sœur qui commença à traverser la route. « Deux secooondes ! », lançais-je en répondant rapidement à mon sms. Quand je relevais la tête, je vis ma sœur traverser la route, et une voiture qui grilla le feu et qui se dirigeait à pleine vitesse sur elle. Tout se passa très rapidement, mais j’eus à peine le temps d’ouvrir la bouche que ma sœur se fit percuter par la voiture à une violence incroyable. Je lâchais immédiatement mon téléphone, et j’accourais vers elle. Cette vision, de ma sœur, ma meilleure amie, ma moitie se faire percuter de cette manière restera gravée à vie dans mon esprit. Je crois que c’est ce qui souda encore plus notre lien. J’avais tellement eu peur de la perdre, et j’avais fait couler des tonnes de litre de larmes. Dans mon esprit, j’étais la seule à blâmer pour cet accident, trop occupée à envoyer des sms qu’à faire attention à ma sœur. Heureusement, elle s’en tira avec presque rien de très grave mis à part le fait qu’elle était devenue…aveugle. Ce fut un choc, surtout pour elle. Mais que voulez-vous, la vie devait reprendre son cours. Presque rongée par la culpabilité, je gardais toujours un œil sur elle, l’aidant à s’habituer à son nouveau handicap. Dans la rue, je lui prenais le bras, le matin, je m’occupais de lui choisir ce qu’elle allait porter, je la coiffais et je l’habillais.

Je crois que tout alla mal dans ma vie à partir de l’accident de ma sœur. Celle-ci pourtant, avait réussi à s’épanouir grâce à Nolan, un ami à moi qui était tombé dingue d’elle au camping où nous allions. Mais le bonheur pour Blue Lennon ne dura pas très longtemps non plus, puisqu’alors que nous rentrions au lycée, un scandale éclata. Notre père chéri, celui qui nous avait porté tant d’amour, qui nous avait toujours respectées, qui avait toujours été très respectueux, était accusé d’avoir violé six employés et chanteuses de son conservatoire. Autant vous dire que ce fut la douche froide pour ma sœur, ma mère et moi. Toute l’Angleterre fut au courant, et les journalistes ne nous lâchaient pas d’une seule semelle. J’avais beaucoup de mal à croire à tout ça, surtout que des autres femmes se révélaient à tour de rôle être des maitresses de mon père. Les preuves étaient accablante, et sa culpabilité clamée au procès qui le mit sous les verrous. Notre mère elle, ne s’en étais jamais remis. Avec ma sœur, nous nous serions les coudes, n’ayant pas le choix que de reprendre notre vie en main et d’essayer de vivre avec ce fardeau sur les épaules. A Liverpool, tout le monde nous regardais de travers, tout le monde chuchotaient à notre passage. Ce fut une période très noire de notre existence, mais ensemble, nous pouvions tout faire. Nous allions faire les courses avec la carte bleue de ma mère qui malgré sa dépression continuait d’enseigner le piano – bien que c’était la seule chose qu’elle faisait encore. J’arrivais aussi à vendre quelques tableaux que je faisais, quelques dessins afin de pouvoir nous faire un peu d’argent de poche à ma sœur et moi. A dix-huit ans, je fus acceptée dans une prestigieuse université en section arts moderne où je pouvais apprendre à mieux maitriser la peinture et où j’avais également des cours d’histoire de l’art.


C’est à ma première année de fac, que je rencontrais Nicholas. Il était étudiant en deuxième année d’arts et il avait donc un an de plus que moi. Ce fut le coup de foudre immédiat : si j’avais déjà eu quelques flirts, je n’étais jamais tombée réellement amoureuse. Nicholas était…parfait. Raffiné, doué, créatif, gentil, romantique, posé. Il était un peu le contraire de moi, et nous nous complétions parfaitement, c’est ce qui faisait notre force. Comme tous les couples, nous avons commencés à sortir ensemble, au cinéma, au théâtre. Lui ne me jugeait pas à cause de ce que mon père avait fait. Il s’en fichait complètement même, et ça faisait un bien fou. Lorsque j’eus dix neufs ans, nous décidions d’emménager ensemble et un an plus tard, alors que j’avais fini ma licence d’arts, Nicholas me demanda d’être sa femme. Ça paraissait précipité, mais cela faisait deux ans que nous filions un amour parfait et nous ne voulions pas perdre notre temps. Nous nous aimions comme au premier jour, même deux ans après. Bien sûr, j’ai acceptée. Ma sœur fut surexcitée lorsqu’elle apprit la nouvelle, et cette année ne fut pas sans surprise puisque celle-ci venait de retrouver la vue. J'avais du un peu forcer notre mère à payer son opération afin qu'elle soit totalement guérie, mais j'avais réussi à la convaincre, et si elle n'aurait pas voulu, j'aurais été prête à m’endenter pour pouvoir lui payer moi-même. Petit à petit, sa vue revenait, et c’était presque un miracle car elle allait enfin pouvoir reprendre une vie normale. Les aveugles peuvent peut-être vivre comme n’importe qui, ça reste un handicap qui doit être horrible à avoir à supporter au quotidien. Je rêvais d’un mariage parfait, d’un jour parfait. J’avais trouvé la robe parfaite, j’avais demandée à ma sœur d’être la demoiselle d’honneur. Tout était prévu pour début Juin. Les cartons d’invitation étaient envoyés, et je venais tout juste de prendre mon indépendance financière en arrivant à exposer des tableaux que je faisais dans une galerie d’art à Liverpool et certains étaient même envoyés dans des galeries de Londres afin d’être vendus. Je pensais filer la vie parfaite, avec ma sœur qui était enfin en bonne santé, quand je découvrais Nicholas en train de baiser une autre dans notre propre lit, dans notre propre appartement, notre petit nid douillet. Et pas n’importe quelle autre fille. Barbara Shepeard, une fille que j’avais rencontrée à la fac en même temps que Nicholas, et avec qui je trainais très, très souvent. On peut même dire que je la considérais comme ma meilleure amie, après ma sœur bien sûr. J’étais…anéantie. Bien sûr, j’ai eu le droit au fameux « ce n’est pas ce que tu crois », mais tu parles…j’étais inconsolable. Alors c’était ça ? Tous les hommes sont des tricheurs ? Des menteurs ? Car c’était un peu comme ça que je voyais les choses à partir de ce moment.


Vous savez ce que c'est, d'aimer quelqu'un à en crever ? Car c'était comme ça, que j'aimais Nicholas. Je n'arrivais pas à croire qu'il avait fait ça, et j'étais tellement amoureuse et aveugle que j'étais même prête à lui pardonner. Heureusement que ma soeur était là pour me rappeler à quel point ce qu'il avait fait était dégueulasse. Une semaine après que nous nous soyons séparés, il était déjà en couple avec cette pouf de Barbara. Je les détestais, tous les deux et je commençais alors à changer de comportement petit à petit. La Madisson souriante, pleine de vie laissait place la Madisson triste et renfermée. Je restais enfermée dans l'appartement que ce connard m'avait laissé lorsque nous nous étions séparés, et j'ai commencé petit à petit à tomber malade. Pendant plusieurs semaines, je ne mangeais quasiment rien, et j'ai du perdre bien cinq kilos que je n'avais pas du tout en trop. Et puis un jour, j'ai ouvert mes placards, et j'ai mangé. J'ai mangé, encore et encore, jusqu'à vider ma cuisine de toute nourriture. Dégoûtée par ce que je venais de faire, je me précipitais vers les toilettes et je me forçais alors à vomir tout ce que j'avais régurgité en à peine une heure. Et je recommençais, encore et encore. Je ne mangeais pas pendant des jours, puis, je faisais une crise et j'allais me faire vomir. On appelle ça des crises de boulimie. Personne n'est au courant, même pas ma soeur mais elle voyait que j'allais très mal et que j'avais besoin d'aide. Elle me proposa alors de participer un concours, The Big Break pour changer de vie, pour aller en Australie. Ma mère ne se préoccupait plus tellement de nous, et je n'avais plus rien qui me retenait ici.